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Il a pris sa place dans le paysage musical français, en 2018, avec le succès de Kid paru sur l’album Cure. Ce qu’il y disait sur la masculinité ou les masculinités a été bien entendu et perçu. Roux et gay, Eddy s’assume. À trente ans, il ose et ne pose pas.
Dans Crash Cœur, on trouve beaucoup de jeux de mots avec « cash », « caché », « crash ». Cela a-t-il été le déclic de plusieurs textes de ces nouvelles chansons ?
Le mot « crash » est arrivé parce qu’il y avait la volonté de parler d’un amour que l’on propulse. Un amour direct et un peu subversif. Je ne voulais pas parler d’un amour lisse. Et cette expression de « crash cœur » est arrivée parce qu’elle rééquilibrait l’idée de l’amour qui, surtout en ces temps-ci, pouvait paraître un peu futile et naïve. À mon sens, cela amenait un peu d’épaisseur. Moi, je voulais parler d’un amour légè- rement suintant et dégoulinant, crashy, crispy, sexuel et désirable. Et ce son amène à comprendre qu’il ne s’agit pas d’un amour tout mignon.
Parce que ce n’est pas une époque mignonne ?
Oh mais, non, on est loin de l’époque mignonne ! On n’est pas dans les années 20 du 20e siècle. Ce n’est pas du tout une époque pour s’étendre sur nos amours et nos tendresses. C’est davantage une période où l’on choque, dramatise, fait preuve de cynisme, s’assombrit. D’ailleurs, le rap l’exprime beaucoup.
Pourtant, il n’est question que d’amour et de tendresse dans cet album.
Justement, cet album a été un souffle, pour moi. Après la période du Covid, le procès que j’ai intenté à des cyberharceleurs et la merde actuelle constante, je n’avais pas la force pour décortiquer encore une fois – après deux albums plus politiques et sociétaux – la société divisée dans laquelle on est. Je n’en avais même pas l’envie. Je voulais adopter un autre positionnement et me malmener en quelque sorte. J’ai pris l’habitude de travailler de façon un peu scolaire sur un sujet. Mais là, je me suis laissé aller à la vibe, à l’énergie et à la sensibilité des musiques. Et les textes sont arrivés instinctivement. Mais je crois qu’aujourd’hui, parler d’amour, c’est politique.
Certaines personnes estiment que tout est politique.
Aussi. Mais d’où je me place, c’est une évidence de dire que parler d’amour est politique. Il n’y a pas tous les jours un album dû à un homme roux et gay qui sort sur la place publique. Je pense que cet amour-là n’a pas été raconté.
Mais Ed Sheeran est roux et sort aussi des albums.
Oui, mais il n’est pas gay. Je ne crois pas qu’il parle dans un morceau de « sugar daddy », ni de suc. Mais voilà, là, c’est un album qui parle de suc.
Musicalement, vous êtes parti dans une autre direction.
Moi , je marche en ère musicale. J’essaie d’amener des dynamiques différentes avec des vibes très précises à chaque album. Et je voulais que ce troisième album fasse bouger. Pour cette raison, j’ai fait une séance en studio avec Boombass et c’est lui qui a amené la vibe de RnB années 2000. J’écoutais ça quand j’étais plus jeune, de Timbaland en passant par les Neptunes, Britney Spears et Justin Timberlake. À l’époque, cette musique était faite pour s’évader et nous aérer la tête. Cela rejoignait mes intentions.
Dans R+V, vous énumérez certains artistes gay, du passé et du présent. Comme Rimbaud et RuPaul.
Ce sont des gens qui permettent la liberté. Je voulais leur faire une révérence. Ils m’ont aidé à prendre mon envol.
Quelles sont les icônes gay actuelles ?
Je ne marche pas à l’icône mais à la représentation plurielle. Je ne crois pas à un Dieu tout puissant de représentation magistrale. Mais il y en a énormément comme autant de représentants de la communauté hétérosexuelle.
En 2022 vous avez remporté un procès contre des cyberharceleurs. Ils s’en étaient pris violemment à vous sur les réseaux sociaux après un concert que vous aviez donné dans une église. Pourquoi est-ce important de combattre le cyberharcèlement ?
C’est quelque chose qui existe de plus en plus. Beaucoup de jeunes se suicident à cause de ça. Faisant partie d’une représentation publique et ayant une voix, quand j’ai subi ça, c’était ma responsabilité morale de le combattre. Pour ma liberté personnelle, mais aussi celle de la société.
Avez-vous le sentiment que la lutte contre l’homophobie ne fait que commencer ?
Elle ne fait pas que commencer mais, en tout cas, elle ne s’arrête pas là. La liberté de certaines personnes appelle la violence d’autres personnes. C’est pour ça qu’il faut se réjouir de ma petite bataille.
On vous a vu récemment vu à la Fashion Week de Paris. Quel est votre lien avec la mode ?
Cela a commencé, en 2017, avec la marque AMI qui m’a invité à un show et mis mon morceau Kid en fond sonore. Du coup, j’ai été invité de plus en plus souvent à des défilés. J’ai toujours aimé m’habiller précisément. Je sais pourquoi je porte un vêtement.
Eddy de Pretto, Crash Cœur, Virgin Music. En concert le 2 mars 2024 à La Madeleine et le 5 décembre 2024 à Forest National.
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